1. Le mardi 20/10/2020, la RFI, organe de presse qui aime du sensationnel, a tendu son micro à l’Abbé Nshole, S.G de la CENCO, pour donner l’essentiel du compte-rendu de la réunion de la CENCO en ce mois d’octobre 2020, sur l’état de la Nation Congolaise. En des termes d’une particulière agressivité, voilant à peine la volonté d’un règlement de compte avec ce Pouvoir contesté dès son élection, ce compte-rendu énonce pour la millième fois :
1) que le Congo est au bord de la faillite ;
2) que la preuve en est administrée par l’indicible misère du peuple congolais ;
3) que la situation sécuritaire est délétère : des citoyens congolais continuent de mourir ;
4) que Minembwe semble être une occasion de balkaniser le pays ; cela ne devrait pas se faire ;
5) que la cause de tout cela se trouve dans la rivalité FCC-CACH pour les enjeux 2023, cherchant l’un et l’autre à contrôler la CENI et la Cour Constitutionnelle. Cette rivalité a donné lieu à la résurgence du tribalisme, le pire ennemi de la cohésion nationale ;
6) que cette rivalité a donné lieu à la résurgence du tribalisme, le pire ennemi de la cohésion nationale.
Préalablement à notre contribution au débat, qu’il nous soit permis de dire que les Evêques de la Cenco et nous, le cours d’éducation à la nouvelle citoyenneté nous impose de participer à la vie politique de notre pays en en surveillant la gouvernance, dans l’intérêt du peuple congolais.
Cette surveillance requiert cependant un comportement moral, impliquant une parfaite honnêteté intellectuelle. Il ne s’agit pas de tenir un discours démagogique comme le font les ténors de la Cenco, loin des réalités du terrain, pour défrayer la chronique internationale et flatter une certaine opinion du peuple congolais : le Comité Laïc de Coordination dont on connait aussi les ténors et leurs opinions fixes et préconçues sur l’état de la nation, sur une base autre que scientifique.
2. Samedi 24/10/2020 après le discours du Chef de l’Etat vendredi 23/10/2020, à 20h00’, ne lui reconnaissant même pas le bénéfice d’un sérieux engagement à redresser le pays, de nouveau le fameux S.G. de la Cenco intervient sur les antennes de la RFI pour lui imputer la volonté de vouloir partager le gâteau du pouvoir avec d’autres partenaires au détriment des aspirations profondes et légitimes du peuple congolais.
Quelle prétention de la part de la Cenco de s’imaginer qu’elle est l’unique organisme de la nation congolaise à aimer le pays plus que tous les congolais ;
Que ses solutions sont les meilleures possibles et qu’elles constituent des dogmes qui doivent s’imposer aux dirigeants politiques du pays au lieu qu’elles soient des suggestions parmi d’autres ;
Autant, il y a des crétins et des criminels dans la sphère politique, autant il y a la mauvaise herbe et le bon grain qui poussent ensemble dans les rangs de la Cenco.
Et s’il y a des crétins et des criminels en politique, il faudrait en faire remonter l’origine à l’aventureuse politique du tandem Mobutu-Kengo, qualifié « du plus grand escroc du XXe siècle par les Américains (voir livre de Valentin Nagifi : les derniers jours de Mobutu à Gbadolite ?) ».
Ce tandem a :
– pendant 32 ans, pillé avec ses appuis extérieurs, la RDC ;
– avait mis en place la Zaïrianisation qui fut une grande spoliation des opérateurs économiques étrangers ;
– avait nationalisé l’Union Minière du haut Katanga, pour ensuite payer des dommages-intérêts importants au détriment du trésor public congolais. Et on sait dans quelles circonstances de pillages Monsieur CREM, DG Belge de la Gécamines, fut écarté de cette société sur pression du gouvernement belge (voir conférence de Presse de CREM en décembre 2006 à Kinshasa : voir journaux locaux)
– avait mis en place, après avoir mis l’économie et les finances du pays à genoux, le programme d’ajustement structurel, imposé par le FMI, et qui eut pour conséquences, en tant que système néo-libéral de l’économie, l’emprise des multinationales sur les minerais du pays ainsi que le licenciement des milliers des cadres de la Fonction Publique et du secteur privé.
L’Etat étant devenu l’unique employeur, les cadres licenciés se sont constitués « clientèle politique du M.P.R, Parti-Etat » pour leur survie. D’où la redoutable médiocrité actuelle de la majorité de la classe politique congolaise, totalement hédoniste.
Des analyses politiques de la Cenco sont malhonnêtes lorsqu’elles mettent tous les hommes politiques congolais dans le moule des criminels économiques, profiteurs de l’Etat congolais.
1) S’agissant de la prétendue faillite du gouvernement Tshisekedi.
Ce gouvernement est en place depuis bientôt deux ans. Qui, parmi les évêques congolais ignore le bilan de 32 ans de règne de Mobutu et 18 ans du nommé Joseph Kabila ? Qui, parmi eux, ne connaît pas les délits d’initiés de ceux qui ont pris les biens de l’Etat et en ont fait leurs biens propres ? Qui n’a pas entendu parler de « Panama Papers » et des dizaines de milliards de dollars du pays logés par quelques individus dans leurs comptes personnels dans différents paradis fiscaux du monde ?
Or, « l’argent est le nerf de la guerre ».
Ce rapport de la dernière réunion de la Cenco au discours instinctif plutôt que rationnel, le même depuis les origines du pouvoir actuel, influencé par Mgr. Ambongo, aux forts relents Lamukistes, Kasaiphobes, fait un mauvais procès à un régime qui se bat pour tirer sur tous les plans le pays du gouffre abyssal, dans lequel l’a laissé le régime kabiliste.
C’est d’une évidence notoire que des problèmes d’un pays aussi catastrophé que la RD. Congo et d’une telle ampleur ne peuvent être résolus en un an ou deux. Ils exigent une mise en place préalable des stratégies permettant de retrouver les fondamentaux de la bonne gouvernance ainsi que des codes d’une coexistence pacifique. Comme l’avait fait Mandela en Afrique du sud. Comme l’avait fait Lénine en URSS. Comme l’avaient fait beaucoup d’autres révolutionnaires. Mao avait mis 25 ans pour asseoir la sécurité alimentaire de la Chine.
Le procès de la Cenco contre les institutions de Félix Tshisekedi, depuis son installation au pouvoir, confirme la mauvaise foi et la malhonnêteté de ceux qui cherchent à se cacher sous le label Cenco pour régler leurs comptes à ce nouveau pouvoir, tout en embarquant celle-ci dans un inutile bras de fer avec l’Etat qui ne peut tout faire à la fois. Voilà ce qu’on appelle « prétendre avoir trouvé des poux sur la tête d’un chauve et vouloir convaincre qu’il est minuit alors qu’on est en plein jour ».
2) Les Evêques se plaignent du tribalisme qui gangrène le tissu social congolais. Tshisekedi en est-il la cause. ? L’Eglise travaille à la conversion du monde depuis deux millénaires ; ces gens qui entretiennent le tribalisme dans la sphère politique congolaise se disent chrétiens, comment l’enseignement sur l’amour n’a-t-il pas prise sur eux ? La publication de faux résultats de l’élection présidentielle de 2018 par Nshole et Ambongo a fait tuer des gens à Kikwit et à Tchangu parce qu’appartenant au même espace géographique que Tshisekedi, qui a donné l’exemple de ce clivage tribal dans le pays ?
Le chapitre sur le tribalisme en RDC étant très important, il y a ici quelques précisions à apporter :
– Nous inculquons à nos enfants que nous sommes 450 tribus. Ne faudrait-il pas leur inculquer, au contraire, qu’il y a deux groupements humains ; distingués selon leurs traits morphologiques ;
– Les Bantu : ± 97%
– Les Batwa : ± 3%
Les divisions en Nilotiques et Soudanais comme deux groupes supplémentaires n’a aucun sens, car habiter à proximité du Nil peut influencer le comportement en tant que le Nil constitue un écosystème particulier, mais pas enlever le caractère « Bantou ».
A noter toutefois, qu’on ne peut assimiler les Rwandais aux Nilotiques, car en 1885, les ethnies Hutu et Tutsi n’étaient pas à cette époque, dans l’Etat Indépendant du Congo.
Quant à l’appellation « Soudanais » (ès Sudan), elle signifie simplement « le noir ».
– En tant que congolais, nous avons une culture commune dont la matrice est la colonisation belge : même territoire, même enseignement, même organisation étatique, même plateforme économique, même hymne national, mêmes monuments, même emblème.
– Ces précisions données, d’où vient le tribalisme en Rd. Congo ?
– D’abord de l’Administration coloniale dont le principe « Divide et Impera » (Divise et règne) se réalisa de deux manières :
1) Dans le but avoué de réaliser une administration scientifique par rapport à l’empirique du roi Léopold II, les colons belges firent des études ethnographiques sur les congolais et produisirent plusieurs monographies d’où fut tiré ce qu’on considéra comme caractéristiques de chaque ethnie : caractéristiques qui furent divulguées par l’enseignement et qui restent collées à ces ethnies jusqu’aujourd’hui par un effort voulu d’intériorisation de celles-ci. Et ces soi-disant caractéristiques étaient des défauts et on ne mit pas assez en lumière les qualités et les atouts qui avaient permis à ces peuples de vivre ensemble de manière plus ou moins harmonieuse dans un même espace biogéographique, représentant un même écosystème environnemental.
C’est ainsi qu’on parla chez les Bakongo de « Ngala zoba », de « Mukongo Nkodia », de « Muluba vantard », de « Mongo aux mœurs légères », de « Ngala et Tétéla brutaux », etc. Donc, par l’enseignement, tout ceci entra dans le subconscient des congolais et fut véhiculé de « père à fils », « de mère à fille ».
A l’approche de l’inéluctable indépendance du Congo belge, les ethnies furent consciemment mises en opposition les unes aux autres pour créer la zizanie et éloigner ladite indépendance. Au Rwanda et au Burundi : Hutu / Tutsi. En RDC : Ngala / Ba kongo ; Bakongo / Bayaka ; méfiance entre Bambala / Bayansi ; Lulua / Luba ; Tetela de la savane / Tetela de la forêt ; chez les Luba : ceux de mukuna / ceux de tshibanda, etc.
Aujourd’hui, dans la Néo-colonisation, pour empêcher le décollage du Congo : explosion de mêmes oppositions communautaires, entretenues par des prétendus intellectuels, apprentis politiciens et par certains membres du clergé.
– Dans le clergé :
• Nous notons qu’à l’époque où le père Oscar Bimwenyi fut S.G. Cenco et l’Abbé Kaboy devenu plus tard Evêque, S.G. Adjoint, ce dernier adressa aux Evêques de cette époque, une lettre ouverte pour dénoncer leur attitude tribaliste contre les Baluba (Kasaiens) que représentait Bimwenyi. Et Monsengwo était alors président de la Cenco.
Le même Mgr. Monsengwo qui après la CNS, privilégia le maintien au pouvoir de Mobutu contre Tshisekedi et favorisa la 3ème voie de Kengo, en désaccord avec papa Ileo. Il gonfla le haut Conseil : P.T. des Mobutistes venus du conclave post-conférence nationale souveraine et noya ainsi l’application des résolutions de cette CNS. Où en sommes-nous aujourd’hui pour que la Cenco se fasse donneur de leçons ?
• Plus récemment, les prélats Nshole et Ambongo se sont faits les auteurs intellectuels de la fronde frauduleuse de LAMUKA contre l’élection de Fatshi ; LAMUKA qui n’est là que pour une critique à base tribale et stérile, sans vision pour le pays. Une partie du clergé de Tchangu s’était aussi illustrée par la transformation de l’espace-église en forum de meetings tribalistes de Lamuka. Ce qui avait éloigné de « ces églises les tribus stigmatisées pendant une certaine période »
– « Dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es », dit l’adage
Comment la Cenco peut-elle s’indigner contre le tribalisme alors que les prélats de Kinshasa avaient instrumentalisé les ressortissants de l’Ouest du pays en faveur de l’élection du candidat de Lamuka et avaient même organisé en la cathédrale Sainte-Marie, le 29/12/2018, une cérémonie politique, maquillée en cérémonie religieuse, de présentation de ce candidat au public réuni à cet effet pour le vote du 30/12/2018.
Dans ces conditions précises, ne serait-il pas intellectuellement honnête et moralement juste d’accuser l’Eglise d’avoir échoué dans sa mission de semer l’amour dans les cœurs des gens ?
3) S’agissant de la situation sécuritaire délétère dans le pays et de la crainte de la balkanisation.
Depuis l’assassinat de Patrice Lumumba en janvier 1961, l’éviction du Président Kasa-Vubu en novembre 1965 ainsi que l’avènement du nommé Joseph Kabila, quel est ce congolais qui se croit intellectuel et qui ignorerait la manipulation occidentale dans ce pays pour empêcher celui-ci de décoller ? Qui ont mis Bisengimana, Ingénieur civil Rwandais de Lovanium, comme Directeur de Cabinet du Président Mobutu en 1969 ? Qui a obligé Mobutu de donner la nationalité congolaise collective aux réfugiés rwandais en 1971-1972, en violation des lois en la matière ? Et qui a ouvert le Parlement congolais à ces réfugiés rwandais depuis Rwakabuba jusqu’aujourd’hui où leur poids politique et militaire est de loin supérieur à leur nombre dans ce pays? Une insécurité de plus de 20 ans et une balkanisation en veilleuse depuis la décennie 1930-1940, avec ces multiples manipulations occidentales, avouées par Nicolas Sarkozi lors de sa visite d’Etat en RDC et par Aldo Ajello dans son livre « Les Brasiers d’Afrique » en octobre 2010 , comment la CENCO ne peut-elle pas comprendre que ce n’est pas par une baguette magique qu’on peut mettre fin en un an à de telles situations, mais que c’est par des pressions militaires, politiques, diplomatiques et avec prudence qu’on finira par y mettre fin ? Lorsque Etienne Tshisekedi avait demandé en 1997 que les rwandais de Laurent Kabila soient recensés, rémunérés et raccompagnés au Rwanda, Laurent Kabila lui répondit que les troupes qui l’avaient porté au Pouvoir étaient congolaises et non rwandaises. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Face à ce mensonge, la CENCO n’avait osé lever son petit doigt ni pour soutenir la position d’Etienne Tshisekedi ni pour dénoncer les allégations mensongères du leader de l’AFDL.
3. A regarder de plus près, le ton agressif va dans le sens de « crier fort pour mieux se faire entendre ».
4. Le seul point positif du document des Evêques est d’avoir appelé le peuple à barrer la route à la balkanisation du pays. Et l’attention des actuels dirigeants du pays doit être attirée sur le fait que la question Banyamulenge ne se résume pas à la délimitation du territoire entre Banyamulenge et les propriétaires fonciers de Minembwe. Il faut savoir que le but de la présence des Banyamulenge sur le territoire congolais est de prendre le Kivu et le rattacher au Rwanda, comme l’a écrit Aldo Ajelllo, affirmant que le Kivu est le prolongement du Rwanda et que, compte tenu de la croissance démographique rwandaise, le Kivu doit appartenir au Rwanda. Là est le nœud du problème.
5. Notre regret
Les règles de tout rapport qui se veut scientifique consistent à respecter le principe d’un examen à charge et à décharge. Dans les procès, on examine les causes aggravantes et atténuantes ; dans l’installation d’un bar, d’un moulin, on fait une étude dite « de Commodo et Incommodo ». Comment la CENCO a-t-elle pu se contenter d’une critique à charge sans allusion aux efforts positifs et aux acquis palpables ? Cela frise la malhonnêteté intellectuelle et une haine à l’endroit d’un Pouvoir rejeté depuis son installation et critiqué de manière acerbe à chaque réunion de la CENCO depuis son installation.
Sauf erreur ou oubli de notre part, la faillite à laquelle le Pouvoir en place serait en train de conduire le pays est mise en exergue lors de chaque réunion de la CENCO. Il est dès lors curieux de savoir par quel miracle cela ne se matérialise toujours pas. Si le pays était si mal géré qu’il se trouve au bord du gouffre, toutes choses restant égales par ailleurs, il est un fait certain qu’il finirait par être avalé par le gouffre. Voilà le moment qui n’arrive toujours pas jusqu’à ce jour.
MUAKA MATADI
25/10/2020
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